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Phénix de Granby Baseball Québec

De retour au Québec
Publié le 2015-06-24 08:24:20
par Robert Duval

Mais retournons en 1934. Le 21 novembre les Royaux de Montréal achète du club Albany le contrat de Gus Dugas. Le 14 février 1935, Dugas, qui a visité de la parenté à Joliette et à St-Jean-de-Matha au cours des jours précédents, appose sa signature sur le premier contrat rédigé an français de toute l’histoire du baseball organisé. Il se déclare «enchanté de pouvoir s’aligner pour un club de sa province natale». Il dira plus tard que son français lui a été très utile à Montréal, qu’il était proche de ses coéquipiers et que lui et sa femme demeuraient dans un très bel appartement. Une recherche dans les papiers de famille permet de constater qu’ils résidaient au 798 avenue Outremont, appartement 8.

Les présences de Dugas et d’un autre franco-américain Del Bissonnette augmentent de beaucoup l’enthousiasme des francophones pour les Royaux. L’Équipe dirigée par Frank Shaughnessy termine première avec une fiche de 92 victoires 62 défaites. Dugas contribue largement à cette réussite avec une moyenne de .308, 29 doubles, 3 triples, 22 circuits et 97 points produits. Il est sensationnel à certaines occasions comme le 21 mai alors qu’il obtient 2 circuits, un double, un simple et un but sur balles dans une défaite de 12 à 10 à Buffalo. Le 16 juin à Albany lors d’un programme double remporté 24 à 5 et 10 à 2 par les Royaux, il fait produire 12 points avec l’aide de 7 coups sûrs, dont un grand chelem et un double, en 10 présences au bâton.

Les Royaux se présentent donc en séries et battent d’abord Buffalo 4 parties à 2. Ils affrontent par la suite Syracuse pour la Coupe du Gouverneur. Étrangement les Chiefs gagnent les 2 premiers matchs à Montréal et les Royaux les 3 suivants à Syracuse. Il ne reste qu’un match à remporter aux Royaux pour s’assurer la Coupe. Lors du 6e match le 22 septembre devant 19,006 spectateurs au stade DeLorimier, le pointage est égal 2 à 2 avec un retrait en 9e manche lorsque Dugas se présente au marbre. Le journal Le Canada décrit l’action ainsi: «Gus Dugas a attrapé solidement l’une des offrandes de Cascarella et l’a envoyée voltiger jusqu’à ce que la balle rencontre le filet qui surmonte le tableau indicateur des points. Ces coups, généralement, voient la balle retomber sur le toit du tableau, mais, celle-là est revenue sur le terrain et Dugas n’a pu faire mieux que deux buts». L’année suivante le règlement était changé et toute balle qui touchait le filet placé au-dessus de la clôture d’une quarantaine de pieds de haut était déclarée un circuit. Malheureusement les Royaux perdent le match 3 à 2 en 10e manche et Syracuse remporte la série le lendemain par le compte de 2 à 1. Dugas termine les séries avec une moyenne de .357 et les Royaux attirent tout de même plus de 300 000 personnes au stade Delorimier en 1935 soit bien plus que plusieurs équipes du baseball majeur.

La situation est beaucoup moins rose en 1936 pour les Royaux qui terminent 6e avec une fiche de 71-81. Lefty continue pour sa part son excellent travail: .308 de moyenne, 26 doubles, 15 triples, 18 circuits, 73 buts sur balles et 91 points produits. Il connaît encore quelques matchs mémorables. Le 16 avril lors du match inaugural à Albany il frappe un circuit et un double et fait produire deux points dans une victoire de 9 à 3. Dès le match suivant à Syracuse le 19 avril, il frappe un deuxième circuit dans une victoire de 3 à 0. Le 26 juillet les Royaux divisent un programme double à Baltimore gagnant le 1er match 18 à 5 et perdant le deuxième 9 à 6; Dugas frappe 4 coups sûrs en 10, dont 2 circuits et fait produire 7 points. Au début d’août Dugas cogne 4 triples dans une semaine. Dugas joue aussi, avec efficacité une douzaine de joutes au 1er but en 1936 poste qu’il n’a pas vraiment occupé depuis 1933. Frank Shaughnessy a démissionné comme gérant en août 1936 et il a été remplacé sans beaucoup de succès par Harry Smythe. En 1937, Rabbit Maranville devient gérant des Royaux. Hector Racine le président de l’équipe signe une première entente d’affiliation avec les Pirates et procède aussi à un ménage au niveau des joueurs. Dugas est un des rares survivants avec Ben Sankey, celui avec lequel il était entré en collision à Pittsburg en 1931. Les Royaux connaissent beaucoup plus de succès que l’année précédente avec une fiche de 82 victoires, 67 défaites et terminent 2e au classement, mais à 25 parties et demie de Newark. Ils seront éliminés en 1re ronde des séries par Baltimore (4 à 1). Dugas a encore le sens du spectacle et fait vivre de très beaux moments aux amateurs de Montréal en 1937, mais, un autre accident grave va entraîner son départ de Montréal l’année suivante. Le 8 mai, lors du match d’ouverture à Montréal devant plus de 8 000 personnes, Dugas donne la victoire aux siens 4 à 1 sur Newark avec un circuit de 3 points. Le mardi 29 juin, Dugas obtient un but sur balle en 1re manche, vole le deuxième et est retiré au marbre sur un jeu serré suite à un entre-champ frappé par Benny Cobb. Il est blessé au talon et cède son poste à Paul Dunlap pour le reste du match. Le vendredi 3 juillet, il n’est pas en uniforme pour le double contre Rochester au stade; le quotidien montréalais The Gazette mentionne qu’il ne peut même pas mettre ses souliers tellement le pied est enflé. Le lendemain, il ne débute pas le match et en 7e manche les Royaux tirent de l’arrière 5 à 0; l’avance est ensuite réduite à 5 à 1. Avec deux retraits et les buts remplis, Dugas est appelé comme frappeur d’urgence. Le journal La Patrie écrit: «Augustin s’avance au marbre en boitant… Gus s’élance et la balle est frappée haute et avec force. Le drive va frapper le filet et tombe sur le toit du tableau indicateur pour un coup de circuit qui vide les buts. Quatre points d’un seul coup et le score est égalé. Dugas contourne les buts pouvant courir à peine. L’assistance lui fait une ovation qu’il n’oubliera pas de sitôt». Les Royaux gagnent le match à la manche suivante. Mais Dugas se blesse bien plus sérieusement le 3 août lors d’un match à Baltimore. Il frappe un simple et en volant le 2e but, il entre violemment en collision avec Bill Cissell qui joue à cette position. Dugas perd deux dents et doit quitter le match puisqu’il saigne abondamment. Le lendemain, il tente de jouer, mais quitte pour la chambre après 2 présences au bâton en se plaignant de douleurs à l’estomac. Il tombe alors inconscient et est transporté dans un hôpital de Baltimore. On parle dans les jours suivants de blessure à la poitrine, mais finalement le diagnostic réel est un pneumothorax. Il s’agit d’une blessure très grave surtout à l’époque (c’est de l’air qui écrase le poumon en s’infiltrant entre la plèvre et le poumon). Sa saison est terminée et ce n’est que le 16 août qu’il pourra revenir à Montréal après avoir quitté l’hôpital. Il termine sa saison avec une moyenne de .324, 28 doubles, 3 triples, 11 circuits et 62 points produits.

En janvier 1938, Dugas écrit au président des Royaux Hector Racine qu’il est complètement remis, mais, celui-ci exprime de sérieux doutes dans les journaux quant à la possibilité de revenir d’une blessure aussi grave. Les Royaux semblent avoir perdu confiance en Lefty et malgré un bon camp d’entraînement et un excellent début de saison (.430 après 9 matchs), l’état-major des Royaux n’est pas convaincu. Le 1er mai à Jersey City, il est 5 en 7 dans un programme double avec un double et 5 points produits. Le 9 mai, il frappe le circuit de la victoire au stade Delorimier contre Jersey City. Le journaliste de La Patrie Zotique Lespérance raconte l’exploit: « Le score était égal 4 à 4, au début de la deuxième moitié de la 9e manche… Maranville dit… Gus tu es le frappeur idéal pour frapper le lancer de Mike Radon par-dessus la clôture. Dugas, premier joueur au bâton…. ne fit pas d’erreur sur le second lancer, frappant la balle avec force dans les airs. Le drive vola par-dessus la tête du voltigeur de centre Lee pour finalement se retrouver dans la rue Parthenais, soit environ une distance de 380 à 400 pieds».

Mais, graduellement la moyenne au bâton de Dugas fléchit et les dirigeants commencent à penser que sa blessure de 1937 le rattrape et qu’il ne pourra pas donner un bon rendement quand les grandes chaleurs arriveront. Les Royaux sont 6e à 17 parties de la tête lorsque, le 22 juin, ils procèdent à un échange majeur avec les Orioles de Baltimore qui sont 7e. Quatre joueurs sont impliqués, mais les deux plus importants sont Dugas et Ab Wright, un frappeur de circuits de Baltimore, qui changent tous deux d’équipe. Au moment de l’échange Dugas frappe pour .282 avec 6 circuits et 28 points produits. Wright frappe pour .350 avec huit circuits et 29 points produits. Le reste de la saison montre que les Royaux ont cédé à la panique. Dugas frappe pour .330 à Baltimore et le «puissant» Wright pour .298 à Montréal avec seulement 7 circuits puisqu’il n’a plus le court champ gauche de Baltimore pour le favoriser. Globalement Dugas connaît une excellente saison avec .314 de moyenne, 81 PP, 35 2B, 5 3B, 16 CC et 105 BB. Wright obtient .313, 85PP, 30 2B, 5 3B, 15 CC et 59 BB. Montréal a sacrifié son joueur le plus populaire depuis leur renaissance en 1928 pour un joueur qui sera vendu en décembre 1938 au club Chattanooga. Le journal The Gazette dira de lui que c’était une «blowned out fuse».

En 1939, Dugas débute l’année à Baltimore, mais il est très mauvais termes avec son nouveau gérant Rogers Hornsby et ne joue à peu près pas. Finalement le 20 juin, il est échangé aux Volunteers de Nashville de la Southern Association un circuit plus faible de calibre A-1. Il dit en visitant le Sulphur Dell le stade de Nashville: «Cet échange est la meilleure chose qui me soit arrivée». Il faut dire que la clôture de droite est à 262 pieds seulement avec une pente à 45 degrés qui commence à 224 pieds du marbre. Le joueur de champ droit, lorsqu’il est à la palissade, est 22 pieds et demi plus haut que le marbre. Gus connaît quatre années exceptionnelles à Nashville, tout en jouant pour une très bonne équipe. Ses statistiques pour les quatre années sont les suivantes: 438 parties jouées, 310 points comptés, 488 coups sûrs, 96 2B, 10 3B, 74 C, 348 PP, une moyenne de .316, et une moyenne de puissance de .544. Tout cela est accompli en ne jouant que 88 matchs en 1939 (puisqu’il est arrivé à la fin juin) et 59 parties en 1941 à cause d’une fracture à la jambe et une dislocation de la cheville qui met fin à sa saison le 14 juin (sa 3e blessure importante). Au total, il est là quatre ans, mais joue l’équivalent de trois saisons complètes. Il domine même la ligue dans la colonne des points produits en 1940 avec 118. De pareils chiffres, même si le calibre est inférieur à la ligue internationale, montrent bien que Dugas est loin d’être fini comme semblaient le penser les Royaux en 1938. De 1939 à 1942, Les Volunteers gagnent quatre années consécutives ce que l’on appelle les Shaughnessy Playoffs et trois fois de suite de 1940 à 42 les Dixie Series. En 1940, ils connaissent une saison extraordinaire de 101-47. Dugas dira qu’avec Nashville en 1940, il gagnait 10,000$ de plus par année qu’à sa meilleure saison dans le baseball majeur.

Quand la saison 1943 débute Dugas, alors âgé de 36 ans et père de deux enfants, travaille pour la Hamilton Propellor de Norwich. Le 29 mai Nashville le vend aux Maple Leafs de Toronto de la ligue internationale; il remplacera Ralph Kiner appelé sous les drapeaux par l’armée américaine. Le 3 juin, il fait ses débuts à Toronto en frappant un circuit gagnant de trois points en 10e manche. Il a toujours le sens du spectaculaire. Il aide Toronto à gagner le championnat et obtient tout de même des statistiques intéressantes en 48 parties: moyenne de .283, 27 PP, 26 BB, 8 2B et 3 C. Toronto est éliminé par Syracuse en finale de la Coupe des Gouverneurs, mais Dugas obtient cinq coups sûrs et fait produire cinq des 13 points des Leafs durant la série.

En 1944 et en 1945 Dugas ne joue pas au baseball professionnel. Il décide de rester chez lui pour aider l’effort de guerre en travaillant encore chez Hamilton Propellor. En plus, il joue du baseball semi-professionnel et continue de se distinguer au bâton. Plusieurs joueurs des Majeures travaillent à Norwich pendant la guerre et jouent au baseball localement dont Yogi Berra et Speck Shea. En 1946, une fois la guerre terminée, il revient au jeu à 39 ans pour quelques parties avec les Chiefs de Providence de la ligue de la Nouvelle-Angleterre un circuit de classe B. Il maintient une moyenne de .260 avec 2 circuits en 16 matchs.

Gus travaille maintenant à la Plastic Wire and Cable Co à Jewett City, près de Taftville. Il occupe cet emploi jusqu’à sa retraite en 1972. Il continue de jouer au baseball, un jeu qu’il n’a jamais cessé d’adorer. Il agit comme joueur-gérant en plus d’organiser des cliniques, de servir d’arbitre pour la Norwich City League et de gérer une équipe de jeunes. Il demeure toujours attaché à Montréal et les Expos l’inviteront à différentes occasions dans la métropole. Ainsi, il sera présent à Montréal lors du premier match des Expos au stade Olympique le 15 avril 1977 pour le lancer protocolaire en compagnie de Tim Harkness, Raymond Daviault, Georges Maranda, Ron Piché, Claude Raymond et Jean-Pierre Roy.

En 1969, Lefty Dugas est le premier à être élu au Temple de la Renommée des Sports de Norwich. Il continue de faire tout au long de sa vie, la fierté des habitants de cette ville du Connecticut et, en particulier, de ceux d’origine francophone comme le mari de sa fille Ann Marie, Lou Carignan dont la famille provient de la région de St-Hyacinthe. De nombreux articles des journaux de la région de Norwich sont consacrés à la carrière de Lefty tout au long des années soulignant son apport à la collectivité.

Vers 1987, il éprouve certains problèmes de santé, mais il récupère cependant très bien et continue à jouer un rôle important dans sa communauté. Il doit maintenant se déplacer avec une canne faite par son petit-fils et qui est en forme de bâton de baseball. Mais, cela ne l’empêche pas d’assister à de nombreux matchs de baseball et de prodiguer ses conseils. En 1995, un nouveau stade de baseball est construit à Norwich avec l’arrivée des Norwich Navigators une équipe de catégorie AA. Le stade Dodd est situé sur le LEFTY DUGAS DRIVE. Dugas assiste aux matchs et effectue à l’occasion des lancers protocolaires.

Le 20 mars 1997, quelques jours avant son 90e anniversaire, toute sa famille se réunit pour le fêter. On conçoit pour l’occasion un gâteau en forme de terrain de baseball avec neuf chandelles. Quelques jours plus tard, il est victime d’un accident cérébro-vasculaire et il décède le 14 avril 1997 au Colchester Nursing and Rehabilitation Center. Le hasard fait parfois bien les choses. Le Norwich Bulletin du mardi 15 avril 1997 titre en première page: «Norwich mourns death of Lefty Dugas». Sur la même page, un peu plus haut, on annonce que le baseball majeur honore cette journée-là Jackie Robinson qui a brisé la barrière de la couleur 50 ans plus tôt. Ainsi deux grands des Royaux sont réunis sur la première page avec chacun leur photo.

Les funérailles ont lieu le 16 avril à l’église Sacred Heart que Gus a fréquentée toute sa vie. Il sera enterré au cimetière St-Joseph, un ancien terrain de balle. Au cimetière les gens chantent le célèbre Take me out to the ballgame. Doris Buteau l’épouse de Lefty ne lui survit que quelques mois et décède le 11 septembre 1997. Durant les dernières années de sa vie, elle était atteinte de la maladie d’Alzeimer et c’est Augustin qui en prenait soin. Aussi récemment que juin 2010, la plaque qui honore Gus et sa femme Doris au cimetière St-Joseph était surmontée par un bouquet en forme de balle de baseball et par les drapeaux canadien et américain. Une photo du couple est placée au-dessus de la balle et Doris y porte la casquette des EXPOS de MONTRÉAL. Quel beau symbole d’attachement à ses origines!


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